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2023-2024 - Raphaël Costes
Raphaël Costes (*1988), est un designer de produits qui a étudié la conception à l’Université de Strasbourg et qui s’est installé à Reykjavík il y a 8 ans. Il collabore actuellement avec Þórunn Árnadóttir pour sa marque 54°Celsius, Tobia Zombotti ou encore Thomas Pausz pour son Projet Non-Flower. Raphaël a travaillé sur divers projets en design d’intérieur, design de produits et scénographie.Le projet in Clay vise à explorer davantage les propriétés d’un corps composite d’argile que nous qualifions de «argile basaltique» ou d’«argile volcanique», et à produire une gamme de céramiques à l’aide de celle-ci.
L’objectif initial est de créer un mélange d’argile de basalte en utilisant des éléments volcaniques, ainsi qu’un émaillage suivant les mêmes principes compositionnels.
Son approche initiale sur le corps argileux impliquait le mélange de poudre de basalte avec différents types d’argile courante : porcelaine, grès et terre cuite. Le mélange obtenu, est un type d’argile chamottée.
Une fois cuit dans une atmosphère réductrice, l’apparence brute de ce matériau s’est révélée esthétiquement plaisante, ce qui l'a amené à se concentrer sur ce matériau pour la production d’une pré-série de vaisselle présentée au restaurant Brùt lors du festival DesignMarch2022 à Reykjavík.
BILAN DE RESIDENCE A l'IEAC :
En résidence à l’IEAC avec mon projet innriinnri, je mène une recherche de matériau visant à élaborer une argile volcanique pour la céramique. L’IEAC et la résidence m’accueillent comme lieu de support. De par les enseignants présents, les ateliers et ses équipements, j’ai pu lors de cette première session mener
à bien la phase de recherche théorique de la céramique volcanique visée. Celle-ci consiste à utiliser de l’argile fondamentale et du basalte pour obtenir une pâte plastique employable par les techniques artisanales des céramistes.
Ce projet s’inscrit dans une perspective plus large visant à révéler le potentiel inexploité du basalte, roche abondamment produite lors d’éruptions volcaniques. Dans ce cadre, le studio innriinnri ambitionne ainsi de mettre en lumière les perspectives créatives qu’offre cette matière première dans la conception d’objets de design uniques. L’IEAC apporte tout le soutien nécessaire de par son réseau de spécialistes du monde de la céramique ainsi qu’un lien indispensable avec le laboratoire des matériaux du CNRS IS2M à l’université de Haute Alsace de Mulhouse.
Les enseignants de l’IEAC ont pu me guider de par leur expérience vers les ouvrages de savoir nécessaires ; les ateliers m’ont permis de préparer, broyer les matériaux naturels sourcés et d’effectuer les premiers mélanges. Le lien avec l’IS2M, indispensable, m’a permis d’analyser des argiles et céramiques communes, mais surtout d’établir la pétrochimie de la lave sourcée pour mieux anticiper les phénomènes provoqués par les éléments chimiques de cette roche volcanique.
En me basant sur la recette de la porcelaine, la stratégie est de composer une pâte hydratée à partir du kaolin, argile fondamentale, et d’y ajouter une part égale de basalte dont la pétrochimie prometteuse jouera le rôle des éléments traditionnellement employés dans la composition de la terre à porcelaine. Le but n’est pas d’imiter la porcelaine pour ce qu’elle est, mais de faire un parallèle avec sa composition d’assemblage qui est la
plus « essentielle » ou « épurée » comparée aux autres terres.
Le laboratoire des matériaux de l’IS2M est indispensable pour ces recherches, car il me permet d’étudier les matériaux à une échelle chimique moléculaire et d’anticiper les phénomènes de transformation qui
vont apparaître lors de la cuisson de ma terre d’argile vers une céramique. Lors de la cuisson, le kaolin se transforme en cristaux de mullite, structurants ; les quartz font état de corps réfractaires et
réagissent en leurs couches externes avec les fondants et fusionnent, le verre de ces fondants cimente l’ensemble mullite-quartz, pour créer un matériau composite qu’est la céramique : mullite-verre-quartz. Les
fondants qui vitrifient l’ensemble, bouchent les aspérités pour rendre le matériau nonporeux.
La pétrochimie du basalte analysé à l’IS2M promet de remplacer les fondants et le quartz habituel. Les appareils de l’IS2M serviront aussi à contrôler les résultats de cette entreprise, nous testerons la mécanique et la porosité du matériau afin de nous assurer de l’aspect hygiène alimentaire du corps céramique résultant.
L’expérience gagnée par la mise au point de sa propre pâte argileuse en partant d’éléments fondamentaux croisés à des matériaux rocheux sourcés dans la nature, confère à l’artisan des connaissances émancipatrices pour son entrepreneuriat. La méthodologie de design menant ce projet permet de faire le lien entre les
connaissances théoriques et les savoir-faire: scientifique-artisanat. Il bénéficie à l’IEAC dans sa mission d’enseigner le métier de céramiste, d’entretenir un réseau d’experts du monde de la céramique, afin d’investir dans l’autonomie du métier. Et spécialement ici de créer une collaboration entre l’IEAC et le laboratoire des matériaux IS2M qui dispose des appareils d’analyse pour étudier la surface des matériaux céramiques destinés à l’emploi alimentaire.
Ma présence en tant que designer est aussi l’occasion d’introduire les stagiaires en formation à l’histoire du design, aux notions d’esthétisme et au travail du designer. La présentation de mes travaux et les cours donnés aux stagiaires ont stimulé questions et débats pertinants. L’histoire du design, qui est liée à celle de l’industrie de production d’objets, démontre une réelle inhérence de l’artisanat au fil du temps ; ce qui valorise son potentiel, sociologique, économique et écologique.
