Les dodus sont des pichets, des assiettes et des coquetiers.
Les dodus sont des familles de vaisselle. Il y a les Brutus, les Piccolos, les Classicos et les Gauche. Chaque famille a un caractère et des principes qui fondent leur personnalité. Chacun a son histoire, ils ont leur manière d’être, d’interpréter la vie, de se rendre utiles et d’inter-agir avec les autres.
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J’ai commencé par décomposer les usages pour trouver des principes formels qui correspondent aux habitudes à table. Par exemple, tendre son assiette pour se faire servir : on la prend en main, de chaque côté, et on tend son plat en attendant qu’il soit rempli. Puis on pose l’assiette sans plus y toucher. Elle ne fait plus qu’un avec la table.
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Boire le thé du soir dans un bol ou un mug. C’est autant pour le goût que pour se réchauffer. C’est un objet que l’on garde dans ses mains, jusqu’à ce que tout soit bu, et même peut‑être encore après si le bol est encore chaud. Si on le tient avec ses deux mains, ça signifie que l’anse n’est pas très importante. Mais la texture et la forme, oui.….
les premières recherches - photo Joséphine Viot
J’aime regarder vivre les gens, remarquer leur démarche, leur manière de parler, leurs réactions etc. Et comprendre ce tout que forme une personne. J’ai ensuite pris conscience que ce qui m’attirait le plus dans ces objets du quotidien, qui habitent la table ou nos cuisines, ce sont leur personnalité, leur esthétique et leur histoire. J’aime l’expérience et la manière dont l’objet habite. Sa manière à lui. Est-ce qu’il se fond dans le paysage ? J’ai réfléchi à mon rapport aux objets. En fait, j’aime m’entourer d’objets qui ont une histoire. Ainsi j’en suis venue à concevoir l’objet en sculpture, ou pièce unique tout du moins. À penser l’objet indépendamment de sa fonction et de son contexte.
J’ai coloré de la barbotine de porcelaine, que j’ai ensuite fait sécher puis concassée. Après une cuisson de dégourdi, j’ai tamisé les grains et trié cette chamotte en différentes tailles. Puis, c’est cette présence qui a pris toute la place.
J’aimais aussi beaucoup la part de jeu et de surprise du processus. Je choisissais les terres pour leur tenue et leur matière que j’ajustais avec des chamottes, mais je me laissais surprendre par la couleur obtenue en haute température.
En parallèle de ces recherches formelles et fonctionnelles, j’ai effectué une recherche sur la matière, donc sur la terre elle-même. Les cuissons ont révélé des choses surprenantes. J’ai alors effectué des échantillons de mélanges, cette fois méthodiquement pesés et notés, pour établir un répertoire de matières et de couleurs. J’ai choisi de prendre les six terres couramment utilisées à l’école et ai réalisé chaque mélange à trois niveaux de proportions différents.
"Les Brutus ne sont pas spécialement sophistiqués mais ils sont comme ils veulent être, alors ne pose pas de question ! Un Brutus ne tremble pas, il est rustre et robuste. Il a l’aspect d’un grand calme mais peut aussi paraître difficile d’accès, un peu renfermé. Et ce côté mal à l’aise se traduit au quotidien par un peu de maladresse. Cette maladresse le rend charmant et attendrissant finalement. Ils sont surprenants car ils ne respectent pas les codes de bonne conduite. Ils sont à la fois impulsifs et renfermés. Les Brutus n’ont pas un caractère facile, mais ils sont entiers, honnêtes et ne prétendent pas être autre chose que ce qu’ils sont."
Piccolo est une famille qui accepte le risque, qui joue le jeu et triche. Téméraire, qui aime la vie, qui touche, qui embrasse, qui danse, qui profite, qui n'a pas peur, qui court, qui rit aux éclats, qui gueule, qui prend de la place, qui joue à la vie comme un rôle de théâtre de boulevard, qui n’hésite pas à dire ce qu’elle pense, qui vit la vie et qui joue sa vie. Des formes qui chantent et dansent, avec une bonne panse généreuse et une lèvre toute dodue, élégante et gracieuse, mais très présente et exubérante.
Les Gauches
les Gauches - photo Joséphine Viot
"Pour la famille Gauche, je me suis inspirée des particularités physiques des rouquins, des personnes aux oreilles décollées, des trop grands, trop petits, trop ronds, trop tassés, des becs de lièvre, des dents du bonheur...
....Quand le complexe d’une personne la fait vivre différemment. Celle-ci perd alors toute confiance en elle. Tout ce quelle souhaite, c’est se faire oublier, ne surtout pas attirer les regards. Sauf qu’évidemment, c’est précisément cette chevelure flamboyante qui nous saute aux yeux, ou ce cheveu sur la langue que l’on remarque immanquablement...
Les Classicos suivent le protocole, et un point c’est tout.
La famille Classicos est sensible aux «qu’en dira-t-on-?». Cette famille est précautionneuse, posée, stable, droite et efficace parce que tout est maîtrisé. Elle s’applique à être exactement ce que l’on attend d’elle, comme des gens “lisses”…..
Les Classicos utilisent couramment l’expression «c’est pas beau mais c’est pratique» donc l’esthétisme n’est pas dominant sur la fonction, apparemment. Mais à tant vouloir ressembler aux autres, à correspondre aux diktats de la société, ces personnes ne perdent-elles pas leur personnalité ? En tout cas, ces pots ont perdu leur fond...
Chaque famille a son foyer, son univers, chaque vaisselle a sa cuisine.
Et comme dit plus avant : sont-ce de simples objets qui occupent l’espace de nos cuisines, ou les personnages qui y vivent et créent son atmosphère ?
